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HISTOIRES DE CLOCHES

Tu vas te faire sonner les cloches… Il y a quelque chose qui cloche… Quelle cloche !… Il faut toujours entendre plusieurs sons de cloche…
Sans oublier les clochards, les querelles de clochers, et les enfants qui sautent à cloche-pied…

     Autant d’expressions connues, qui renvoient à l’instrument de musique qui nous est sans doute le plus familier, celui qui accompagne la vie de nos villages : les cloches de nos églises. Depuis toujours, elles sonnaient pour l’angélus le matin, à midi et le soir, ainsi que lors des célébrations religieuses. Elles annonçaient aussi la menace de l’approche d’un ennemi, d’un orage, les incendies, sans oublier les élections, les assemblées des bourgeois et l’heure d’ouverture des marchés. Selon la tradition chrétienne racontée aux enfants, elles partaient à Rome quelques jours avant Pâques pour revenir le dimanche, ce qui expliquait leur silence pendant cette période. Mais c’est aussi le plus vieil instrument de musique du monde, car dame cloche serait née en Chine voilà près de 4 000 ans.

     Sa forme actuelle inchangée depuis le 15e siècle, est faite de bronze : 78% de cuivre et 12% d’étain exactement. Elle peut se faire toute petite, tout en sachant qu’il en existe d’énormes, qui peuvent dépasser les 100 tonnes.

     La période de la Révolution française fut pour elles une période réellement dramatique : plus de 100 000 cloches – dont certaines fort anciennes – ont été fondues pour être transformées en monnaies ou en canons. Des conflits plus récents ont également opéré d’importantes saignées dans nos clochers. Réquisitionnées et fondues durant les dernières guerres mondiales, elles étaient destinées à l’industrie de l’armement : la petite cloche de l’église protestante en porte témoignage. De nos jours on compte en France plus de 250 000 cloches, dont 9 000 classées ou inscrites à l’Inventaire des Monuments Historiques. Mais si l’on dénombrait encore 86 fondeurs de cloches au milieu du 19e siècle, la France n’en compte plus que cinq en 2011, dont la maison Paccard d’Annecy, d’où provient l’une des cloches de l’église protestante de notre village. (1)

     Traditionnellement, les sonneries de cloches étaient liées à la vie rurale, au travail dans les champs, où l’on n’emmenait guère les montres, si tant est qu’on en possédât. Elles rythmaient la vie du village, et chaque sonnerie informait les habitants de certains événements, annonçant à tous dangers, joies et peines. Si la sonnerie de midi rappelait les travailleurs des champs, celle du soir était l’occasion pour les parents de réunir la famille devant la maison pour une prière. Dans notre village cette tradition se serait perdue dans les années 50, selon Annette Anthony. Quant aux cloches des églises de Weislingen, elles sonnent à certaines occasions, selon un code qui n’est pas toujours connu de tous. >>>  Sonneries des cloches à Weislingen

     Déjà à une époque plus lointaine où n’existaient encore ni radio ni sirènes, «  les cloches symbolisent cet amalgame de la paroisse et de la communauté dans la mentalité des paysans. Baptisées au préalable, elles signalent les solennités religieuses et les fêtes carillonnées. Elles annoncent les étapes de la vie chrétienne et de la vie tout court de chaque habitant. Seul moyen d’ameuter la population, elles provoquent, d’autre part, le rassemblement des hommes du village, ou, pour le moins, des chefs de famille. Elles avertissent des dangers : inondations, incendies, raids de routiers ou d’écorcheurs. L’angélus intègre ces deux fonctions, laïque et ecclésiastique ; il rythme le déroulement de la journée tout en invitant à la prière.«  (2)

     En septembre 1939 ce sont les cloches des villages d’Alsace qui communiquent aux habitants l’ordre préfectoral d’évacuation : « L’ordre d’évacuer le village fut donné le premier septembre 1939 à 17 heures par un arrêt préfectoral demandant aux habitants d’Oermingen de quitter le village à 19 heures. A cette heure, la plupart des gens travaillaient encore dans les champs, afin de rentrer leur récolte. Lorsqu’ils entendirent les deux cloches des deux églises sonner le tocsin, ils comprirent immédiatement. La France entrait en guerre… » (3)

     Âme du village, témoin de la vie quotidienne à la campagne, elle a inspiré poètes et musiciens de tous les pays. Si le grand Goethe semble s’amuser dans Die wandelnde Glocke de ce qui attend l’enfant tenté par l’église buissonnière, Friedrich Schiller, l’auteur de Guillaume Tell, relate dans Das Lied von der Glocke, où il décrit les étapes de la création d’une cloche, le dur labeur du fondeur et de ses compagnons, . En même temps que le maître-fondeur évoque les étapes de la vie de ceux à qui elle est destinée, son œuvre réalise l’alliance des quatre éléments : la terre du moule, le feu de la fusion, l’eau de la bénédiction et l’air des sonneries. Et le poème s’achève sur cette leçon de vie que nous enseigne la cloche : rien ne demeure ici-bas, nous ne faisons que passer.
      Une leçon de vie que l’on retrouve également dans la célèbre chanson Les trois cloches interprétée par les Compagnons de la Chanson avec Edith Piaf. Les trois cloches (paroles)

     Hélas ! La cloche est aussi le symbole de ce qui ne va pas entre les hommes, et l’actualité fourmille régulièrement d’exemples sur la tradition des sonneries villageoises que certains rurbains ou néo-ruraux voudraient réduire au silence, tentant de faire subir le même sort au chant des coqs ou autres sons du patrimoine agreste. Bien loin du show-biz et du bruit, l’auteur-interprète Barbara Deschamps évoque cette actualité avec cœur et sensibilité, avec ses mots à elle, dans sa chanson Ne touchez à rien [1ère strophe et refrain].(4)

Querelles de clochers, dira-t-on. Mais ceci est une autre histoire…


(1) Pour en savoir plus sur les cloches :
    – Google et Wikipedia entre autres (mot-clé : cloche ou campanologie)
    – Site internet de la Société française de campanologie : http://campanologie.free.fr/
(2) Histoire de la France rurale, tome 2, Editions du Seuil 1975, pp. 144-145. Hugues Neveux, Jean Jacquart et Emmanuel Le Roy Ladurie, sous la direction de Georges Duby et Armand Wallon
(3) Sophie Maurer, La Seconde Guerre mondiale en Alsace Bossue , 2001. (Partie 1, pages 6 et 7)
(4) Version complète de cette chanson en vidéo sur YouTube