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LES BATRACIENS AUX YEUX D’OR
Crapauds et grenouilles d’Alsace les plus connus
Tôt ce matin, la neige s’est mise à tomber à gros flocons… Avec le jour qui se lève, l’émerveillement est au rendez-vous, lorsque l’on découvre le blanc manteau. Notre environnement subitement transformé, éblouissant de splendeur, nous fait oublier la morosité des jours précédents. Dans la campagne, les végétaux croulent sous leurs formes opulentes dans les vastes paysages immaculés. Inlassablement la neige continue à tomber…
Immobile, l’eau noire des mares et des étangs avale goulûment les gros flocons. Dans la profondeur des eaux, un grand nombre d’animaux sauvages vit en léthargie. Pour un temps encore, règnera ici et là un silence de plomb. Devant ces surfaces sans vie, le naturaliste se laisse à rêver au prochain réveil de la nature, qui n’est plus si loin.
Dès le mois de mars, lorsque les températures nocturnes se stabilisent à 5-6° et lors d’une période pluvieuse, les grenouilles rousses (rana temporaria, en allemand Grasfrosch) enfouies dans la vase réapparaissent. Elles sont rapidement rejointes par d’autres individus qui ont hiberné, dissimulés dans une cachette, dans les bois, les forêts ou les jardins. A la surface de l’eau, elles grouillent maintenant en nombre, réveillant ainsi ces lieux restés trop longtemps sans vie. La période des amours commence aussitôt.
Cette grenouille est rousse comme son nom l’indique, parfois brune ou encore jaunâtre. Sa peau est lisse, composée de taches irrégulières sombres de taille variable. Son dos est composé de deux rangées latérales de glandes. Le dessous est blanc, jaune ou orangé, taché chez la femelle, uni chez le mâle. Sa tête est ornée d’une bande brun sombre, partant du nez et rejoignant le tympan. Ses pattes postérieures striées sont très développées. Durant la période de reproduction, le mâle se teinte de gris-bleu devenant plus intense au niveau de la gorge et son sac vocal est interne. Lors du chant, celui-ci émet des grondements, le plus souvent sous l’eau, afin d’en augmenter la résonance.
Pour s’approprier une femelle, il arrive que plusieurs individus se battent entre eux. Le vainqueur du combat s’agrippe alors fortement sous les membres antérieurs de l’heureuse élue. Sous la pression, l’imposante femelle expulse ses œufs, que son géniteur plus petit qu’elle s’empresse de féconder. La ponte a plutôt lieu la nuit, parfois dans une dépression humide ou même dans une simple flaque. Les grappes gélatineuses et translucides flottent en surface et se gonflent lentement en absorbant de l’eau. Une seule femelle peut lâcher 1 000 à 4 000 perles luisantes regroupées sous forme de grappes. Au centre de chaque oeuf apparaît un embryon noir.L’excitation est à son comble et le bouillonnement de l’eau s’intensifie. Aux ronronnements sourds se mêlent alors des coassements et de doux appels flûtés. Les crapauds communs (bufo bufo, en allemand Erdkröte) sont également sortis de leur léthargie et certains nagent déjà joyeusement parmi les grenouilles. Ils arrivent de partout, envahissant rapidement les berges, puis l’eau. Poussés par leur instinct, des centaines de batraciens se déplacent, marchant vers leur lieu de naissance pour se reproduire.
Leur corps est recouvert de pustules et la couleur change suivant l’individu, allant de l’ocre tacheté à différentes tonalités de brun ; le dessous est clair. A l’arrière de la tête se trouvent deux petites glandes à venin, qui provoquent des démangeaisons lorsqu’on les touche. Les doigts des mains ne sont pas palmés, contrairement aux pieds qui le sont partiellement. Pour se déplacer, le crapaud commun marche ou court, contrairement à la grenouille rousse qui saute.Les pontes se comptent de 3 à 6 000 œufs par femelle et se présentent en longs chapelets gélatineux simples ou doubles, qui sont entrelacés dans les plantes immergées. Après une quinzaine de jours tout au plus, la reproduction s’achève. Grenouilles rousses et crapauds communs quittent l’eau et rejoignent leur milieu de vie initial. Prairies, bois humides et jardins à la végétation dense conviennent aux grenouilles rousses, car leur peau demande une excellente hydratation. Le crapaud commun quant à lui a des mœurs plus éclectiques. Durant la belle saison, il se déplace parfois sur des kilomètres et c’est pour cette raison qu’on le rencontre dans des endroits divers et variés. Essentiellement nocturne, il se cache durant la journée dans un endroit frais et humide, cavité de mur, cave, etc. C’est en octobre que les crapauds communs rejoignent leur quartier d’hiver.
Malgré les caprices du temps, le printemps se dévoile peu à peu. Des touches de couleur jaillissent du vert tendre qui s’installe. Sous le soleil, les fleurs précoces offrent leur cœur aux premiers papillons, aux abeilles et aux bourdons. Les oiseaux migrateurs arrivent successivement. Des chants répétés et enfiévrés résonnent dans une ambiance gaie et illuminée. Au crépuscule, l’animation est de taille autour des mares et des étangs situés dans les vallées fluviales, dans les bosquets ou les forêts bordés d’une végétation dense. Retentissent alors pour une bonne partie de la nuit, les concerts bruyants des rainettes vertes (hyla arborea, en allemand Laubfrosch). C’est au cours du mois d’avril que débute la période des amours. Cette grenouille est petite, sa taille atteint à peine 5 cm. La couleur de son corps est d’un vert plus ou moins intense, variant suivant la luminosité ou la coloration du substrat sur lequel elle se trouve. Durant la journée, elle évolue dans la verdure et y passe très facilement inaperçue. Sa peau est lisse sur le dessus, légèrement granuleuse sur le dessous. Ses doigts palmés sont munis de ventouses aux extrémités, ce qui lui permet de grimper avec agilité dans les arbres et sur les végétaux. En France, la rainette verte est le seul batracien arboricole.
Au chant, le mâle gonfle avec démesure son sac vocal orangé externe, situé sous la gorge. On différencie les sexes à la couleur de ce dernier, sachant que celui de la femelle est blanc. Chaque femelle peut pondre jusqu’à 1 000 œufs, qui se présentent sous forme de petits paquets de la taille d’une noix. Les rainettes vertes restent sur leur lieu de reproduction durant toute la belle saison et ne s’en éloignent pas.
Le beau mois de mai s’annonce. De doux parfums se répandent et les fourrés bruissent de mystère. Parfois un vent chaud souffle ses caresses et les grosses averses stimulent la verdure toujours plus dense. Depuis les eaux calmes, on entend maintenant les concerts sonores des familières grenouilles vertes (rana esculenta, en allemand Teichfrosch). Ce batracien est certainement le plus réputé et le plus répandu de notre région. L’espèce se présente sous de nombreuses variations, tant par sa couleur que par sa taille. Entre les sexes par contre, la différence de taille est moins marquée que chez d’autres espèces. La grenouille verte passe la majeure partie de son temps dans l’eau. Lors de la reproduction qui débute ce mois, les mâles excités tapent de leurs pattes postérieures la surface du liquide, projetant ainsi des gerbes d’eau. Au chant, ces derniers gonflent leurs deux sacs vocaux externes situés derrière une fente aux commissures de la bouche. Une seule femelle peut pondre des milliers d’œufs (de 3 à 10 000) qu’elle lâche par paquets. Les masses gélatineuses tombent très rapidement au fond de l’eau.
Lorsque l’on observe attentivement la liste des proies que ces amphibiens capturent – araignées, limaces et escargots, vers, vers de terre et mollusques, insectes et leurs larves – on comprend aisément leur grande utilité. Dans la nature comme dans les jardins, laissons-leur des milieux de vie favorables et créons des mares pour favoriser leur reproduction. Crapauds et grenouilles font partie d’un maillon essentiel dans la chaîne alimentaire de la faune sauvage.
© Texte et Photos Christiane Hubrecht